ART : Le Penseur de Rodin

ART : Le Penseur de RodinIl trône partout dans le monde, le visage marqué par la réflexion, semblant porter les questionnements du monde : le penseur d’Auguste Rodin est l’une des œuvres les plus intrigantes depuis le 19e siècle. Commandé par le futur musée des arts décoratifs, au travers de la porte des enfers, le penseur de Rodin semble cacher bien des mystères.

La religion comme le monde des esprits a marqué la vie et les œuvres d’Auguste Rodin, que ce soit dans l’âge mûr ou orphée par exemple. L’artiste peintre a passé quelques temps chez les pères du Saint Sacrement mais au lieu de prononcer des vœux définitifs, il a étudié le travail de Michel Ange et poursuivi son parcours artistique marqué de ces empreintes religieuses. La croyance en une vie après la mort et en des esprits guidant les vies préoccupe le siècle. Les thèmes des commandes s’en trouvent également fortement inspirées.

LE PENSEUR

Auguste Rodin, French, 1840-1917, The Thinker, 1904, bronze, Overall: 79— 51 1/4— 55 1/4 inches, 2000 pounds (200.7— 130.2— 140.3 cm, 907.2 kg). (Photo by: Sepia Times/Universal Images Group via Getty Images)

Suite logique, les enfers, sujet en vogue, ont intrigué l’artiste peintre si bien qu’il leur a consacré une œuvre majeure qu’il a voulu majestueuse: le penseur. En 1881, la sculpture a été taillée en plusieurs tailles : 70 cm pour l’originale. L’œuvre s’appelait le poète en référence à une demande spéciale de la commande qui consistait à représenter Dante et la Divine comédie. Elle devait orner la porte des enfers, œuvre monumentale composée de plusieurs œuvres. Précision : Dante y est représenté étudiant sérieusement les cercles des enfers.

ART : Le Penseur de Rodin

En 1888, le penseur ou poète est exposé seul à la vue du public afin que sa posture d’homme à l’esprit torturé et en ébullition puisse être admirée. Le penseur d’1m80 voit le jour en 1903. On peut dire qu’il a fortement obnubilé Auguste Rodin tout au long de son parcours créatif, l’œuvre étant une pièce maitresse de la Porte des Enfers.

QUI EST DANTE ?

ART : Le Penseur de RodinDante Alighieri dit Dante (1265-1321) a rédigé la Divine Comédie entre 1303 et 1321. Nous savons que Dante planait au dessus de Rodin lorsqu’il a conçu l’œuvre : une représentation de l’écrivain italien en pleine réflexion sur la nature des enfers. Le livre détaille le paradis, le purgatoire et les enfers. C’est sur le chapitre des enfers que Rodin travaille pour concevoir une porte des enfers, empreinte de mythes et de croyance religieuse.

Dans le détail, à l’entrée des enfers, nous trouvons selon Dante un texte effrayant qui résume le séjour des morts. Voici un extrait : « Vous qui entrez laissez toute espérance« . Derrière la porte, l’enfer s’ouvre sur Charon, le passeur, ce lien entre les vivants et les morts aux enfers, où résident 9 cercles. Ces 9 cercles (les limbes, les luxurieux, les gourmands, les avares, les colériques, les hérétiques, les violents, les fraudeurs dans les fosses et les traitres.  Tout au long de ce périple éprouvant, Dante accompagné de Virgil rencontrent des personnages mythologiques tel Ulysse, le Minotaure, les Centaures.

Selon moi, le texte est pessimiste et hanté par la sévérité des châtiments divins sans doute influencé par les doctrines de l’église. N’oublions pas que nous sommes au 14e siècle et que l’influence de l’église est omniprésente.

LA PORTE DES ENFERS ET SON PENSEUR

Repris par Auguste Rodin, dans la Porte des Enfers, le voyage découverte de Dante se transforme en une porte ouverte vers le séjour des condamnés aux enfers. Ces damnés animés par la souffrance ont une place prépondérante dans ce schéma des enfers où détonne le penseur plutôt statique, en proie à ses réflexions, alors que derrière lui tout s’agite.

ART : Le Penseur de Rodin ART : Le Penseur de Rodin ART : Le Penseur de Rodin Rodin a modifié le nom le poète en le penseur, plus approprié pour un homme parcourant un lieu loin d’être poétique. Peut-être s’est-il intéressé au poète avant de se tourner vers un de ses plus beaux recueils de textes : la divine comédie et son parcours tragique et angoissant. Le penseur a l’air d’être dans sa bulle et complètement détaché de ce qui se passe dans son dos. L’œuvre pourrait être exposée à part. Ou peut être, en tant qu’homme de péché (comme le commun des mortels), il réfléchit à ses fautes, fidèle aux souhaits de l’église, estimant qu’il est à deux doigts d’y aller. Le chemin de la rédemption ?

Selon moi, le penseur reste une œuvre pleine d’interrogations. Qu’en pensez-vous ?

Sophie TAGEL