ART : L’ultima Cena décryptée

Tableau mondialement connu, peint par léonard de Vinci, à qui on doit également l’œuvre Salvator Mundi, entre 1494 et 1498, la Cène relate le dernier repas de Jésus et l’annonce de la trahison d’un de ses apôtres.

An illustration based after The Last Supper by Leonardo da Vinci.

La vie de Jésus de Nazareth est sujet à controverse. On sait qu’il a vraiment existé, cela fait de lui au moins un personnage historique qui est entré en politique à Jérusalem, il y a plus de deux mille ans. La Cène reste une œuvre importante parce qu’elle immortalise une étape cruciale dans la vie politique de Jesus. Est-ce le jour où il a vu tous ses rêves s’écrouler ?

Cet homme qui se disait visionnaire et fils de Dieu y voyait-il dans ce repas, celui d’un futur condamné ? Quelles sont les impressions de Léonard de Vinci et qu’a-t-il voulu mettre en avant dans ce chef d’œuvre ?

L’Ultima Cena est sujet à de multiples interprétations

Les analystes voient dans l’œuvre de Léonard de Vinci la dernière communion des apôtres et de Jésus la veille de sa mort sur la croix, torture cruelle de l’antiquité romaine.

Italy, Lombardy, Milan, Credito Artigiano. Whole artwork view. The Last Supper banquet Jesus Christ Apostles table dishes bread cups room building.

En y regardant de plus près, on note plusieurs choses qui peuvent nous aiguiller sur l’ambiance durant ces quelques heures fatidiques.

Tout d’abord, Jésus semble nettement isolé. On peut d’ailleurs découper le tableau en 5 parties, Jésus étant au centre et 5 clans ressortent marqués par la réaction étrange des personnes autour de lui : de gauche droite, Barthélemy, Jacques le Mineur, André ( clan 1), Judas, Pierre, Jean (clan 2), Jésus (« clan 3 »), Thomas, Jacques le Majeur, Philippe (clan 4), Matthieu, Thaddée et Simon (clan 5). Sachez que leur identité n’est pas certaine.

Certes, ils partagent un repas, censé être convivial mais, avez-vous remarqué les réactions négatives autour de lui et l’intensité des regards qui convergent vers lui ? On ressent du rejet, de la colère, du mécontentement, de la compassion heureusement et des messes basses. Les apôtres n’ont pas l’air soudés mais plein de reproches. Le calme de Jesus, sa tristesse et son désœuvrement détonnent avec la réaction de ses convives qui nous incite à nous interroger sur le thème de la conversation ce jour-là. Qu’a-t-il bien pu leur dire à cette étape clé de son parcours et est-ce noté dans la bible ?

Le repas semble frugal pour Jésus puisque l’assiette en face de lui est bien vide contrairement aux apôtres. La position de ses mains est étrange : une prend, l’autre donne.

Le peintre a-t-il perçu quelque chose qui n’est pas indiqué dans la bible ?

‘The Last Supper’, 1494-1498. The mural painting was for the refectory of the Convent of Santa Maria delle Grazie, Milan and was commissioned as part of a scheme of renovations to the church and its convent buildings by Da Vinci’s patron Ludovico Sforza, Duke of Milan. The painting represents the scene of The Last Supper of Jesus with his disciples, as it is told in the Gospel of John, 13:21. From World Famous Paintings edited by J Grieg Pirie [W.& G. Foyle Ltd., London, 1938.] (Photo by The Print Collector/Getty Images)

L’explication de la Bible sur le dernier repas de Jésus

Resituons l’œuvre par rapport aux évangiles de la Bible. Le dernier repas de Jesus est raconté dans les 4 évangiles du nouveau testament de la Bible. Luc, Jean, Matthieu et Marc expliquent brièvement ce repas qui relate les derniers propos privés de Jésus avec ses disciples.

Nous sommes le Jeudi Saint, la veille de sa crucifixion et selon les textes, il sait qu’il va être livré par l’un d’entre ses disciples et le dit. « Mon temps est proche. L’un de vous me livrera ». Les réactions citées dans chaque évangile diffèrent : ils sont embarrassés, ils sont tristes ou ils s’interrogent. On ne parle aucunement de colère. Judas demande lors du repas : « Est-ce moi, Rabbi ? » avant le partage du pain et du vin.

Puis, Jesus laisse Judas partir et scelle son destin.

Nos impressions

L’œuvre de Léonard de Vinci est une libre interprétation de la réaction de chaque convive. La dimension psychologique est prise en compte. Le texte biblique est plus plat et peu détaillé d’où ce mystère qui plane autour de ce moment crucial. C’est son dernier repas qui était sensé être festif.

ART : L’ultima Cena décryptée

L’identité des apôtres est importante car elle dévoile les personnes en qui Jesus avait toute confiance. Léonard de Vinci a dû se fier au tempérament de chacun pour dépeindre l’attitude qu’ils auraient eu au moment de l’annonce, qui a dû sonner le glas du parcours politique et religieux de Jésus et donc celui des apôtres. Et pour nous, l’important est de déchiffrer ce qu’ils ont bien pu se dire.

Le tableau est comme un écrit quoique l’on observe un décalage entre le déroulé du récit de la Bible et ce qui est raconté dans la peinture. Le pain a déjà été partagé ainsi que le vin. La Bible mentionne que la révélation s’est produite avant sauf que la peinture laisse entendre le contraire. Ce tableau est mystérieux car on essaie avec difficulté de capter ce qu’il s’est réellement passé ce soir là. Comme on l’a dit plus haut, lés écrits sont vagues. Léonard a du révéler quelques incohérences et a mis à jour sa vérité.

En examinant la peinture commandée par le Duc de Sforzando, nous sommes sur la scène du crime : « qui est le coupable ? », pourraient-ils demander. Le tableau nous donne des pistes en captant les effets de l’annonce sur chacun des invités. Judas semble fermé, Jean a peu de réaction, Philippe est compatissant, Matthieu, Thaddée et Simon semblent chuchoter dans le plus grand secret, Thomas a l’air d’ en vouloir à Jésus et est retenu par Jacques le Majeur, Pierre semble menaçant, Barthélémy veut en découdre et Jacques le Mineur chuchote à un André catastrophé. Nous sommes loin des écrits de la Bible et de la logique d’une relation fraternelle entre eux. Une vive tension est palpable, au contraire.

Ce tableau, dont l’original a été peint sur le mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan, est empreint d’une grande tristesse car c’est le dernier repas entre les compagnons de route, avant la mort de celui qui reste une grande figure de la religion chrétienne.

Sophie TAGEL