J’espère que vous passez un bel été. De mon côté, après une longue pause, je retrouve ce petit blog. J’ai plusieurs envies différentes, qui varient au fil du temps et de mes aspirations du moment.
Comme vous le savez certainement, je commence à me préparer à accueillir le nouveau venu dans la famille. J’ai envie de raconter – enfin – mes accouchements. Avec pudeur et en y mettant les formes bien sûr. Est-ce que ce type de récit vous tenterait ?
Par ailleurs je vais reprendre le point orthographe du mardi et publier ici mes présentations de livres en vidéo.
Mais aujourd’hui j’ai envie de parler d’écriture. On m’a souvent demandé si l’écriture me tentait. La réponse a toujours été « oui mais »… En effet, il semblerait qu’aujourd’hui il y ait plus d’aspirants écrivains que de lecteurs. Alors pourquoi m’y ajouter ? Néanmoins, durant le confinement, j’ai eu envie d’écrire et me suis lancée pour la première fois.
J’ai besoin d’avoir un minimum de cadre et de délai : j’ai donc écrit pour un concours de nouvelles, organisé par Lire et Librinova. Le thème était simple, il fallait inclure la phrase « Soudain un numéro inconnu s’afficha sur l’écran ». Le nombre de caractères était limité aussi, ce qui me convenait parfaitement.
Je me suis lancée spontanément, avec en tête le personnage d’Apolline. J’ai aimé cet exercice, et j’ai envie de partager avec vous cette nouvelle, en 3 chapitres, pour que la lecture n’en soit pas indigeste.
Voici la première partie. Je vous souhaite une bonne lecture et vous dis à demain pour la suite ! N’hésitez pas à me pour me dire si ça vous a plu et surtout si mes idées d’articles vous tentent.
Un vers d’Apollinaire
I L’héritage parental
« A la fin tu es las de ce monde ancien » Ce vers poétique, et sa diérèse si caractéristique, lui revenaient indéfiniment en tête. Ces quelques mots tournaient à l’obsession : elle avait beau tout tenter, il lui était impossible de les extraire de son esprit. S’enivrer de musique pour oublier les poèmes : telle pourrait être la solution. Il faut dire que ces dernières années avaient été consacrée à sa thèse. Ce sujet, si pointu, qui faisait sourire ses proches quand elle l’évoquait : « Les retours allotopiques et l’ouverture spatiale et calligrammatique chez Guillaume Apollinaire ».
Pourquoi s’être lancée à corps – et à coeur – perdus dans ces années d’études minutieuses, nimbées de solitude et de la douceur ouatée des salles réservées aux chercheurs ? Cette question la taraudait presque autant que ce refrain lancinant. Elle voulait croire à son libre-arbitre, à l’absence de conditionnement social. S’imaginer avoir poussé seule et libre, comme une herbe folle : cela lui plaisait, mais cela n’était pas vrai. La vérité c’est qu’elle s’appelle Apolline. Ses parents, de doux rêveurs aux idéaux romantiques, aimaient lire de la poésie au petit être qui grandissait dans le ventre de sa mère. Cette dernière a perçu un mouvement vif de son futur bébé à la lecture de Zone, d’Apollinaire. Son prénom était trouvé, et son destin tracé.
Si elle avait été un garçon, elle se serait appelée Boris. Elle aurait donc tout su de ce « Bison Ravi », de ce nénuphar qui pousse dans le coeur de Chloé, de la complainte du progrès et de la quête de vie éperdue, mais consumée sans vergogne, de cet esprit fantaisiste, aux mille talents.
Mais elle était Apolline, et l’héritage parental pesait sur ses épaules. Elle avait toujours voulu leur plaire, surtout à son père. Se conformer à leurs attentes et à leurs projections : elle s’y était toujours attelée. Ses parents incarnaient à ses yeux le modèle du couple parfait : le père, brillant et plein de charme, qui enlaçait encore sa femme avec ferveur au bout de vingt ans de mariage. La mère, quant à elle, ravissait tous ceux qui la cotoyaient, même brièvement. Un mélange de fragilité, de grâce, de vive intelligence perceptible à la lueur de ses yeux, mais aussi d’élégance et d’autorité naturelle : l’alchimie parfaite que tous admiraient – le père en premier lieu. Chaque matin, le couple chantait. Réunis autour de la table de cuisine en Formica jaune, ils s’affairaient, échangeaient, volubiles, et ponctuaient leurs échanges de quelques refrains. Le silence était rare, ils ne l’instauraient que pour laisser place au babillage charmant de leur petite fille. Apolline donc : elle qui assistait chaque jour, émerveillée, à ce ballet amoureux sans cesse renouvelé. S’enfermer dans le mutisme lui permettait de s’imprégner davantage de cet amour environnant, de ces sourires qu’ils s’adressaient et qu’elle glanait en chemin. Puis, rassasiée, elle courait sur la pointe des pieds pour se réfugier dans sa chambre. Dans ce petit havre de paix, qui lui appartenait, son imagination foisonnait. Le processus créatif s’enclenchait et elle se mettait à dessiner, toujours au crayon de couleur car les teintes étaient plus douces et discrètes que le feutre. Sur le papier naissaient de frêles silhouettes : des nymphes et des créatures éthérées côtoyaient une nature luxuriante. Lorsque l’inspiration était tarie, elle plongeait dans l’anthologie poétique que ses parents lui avaient offerte le jour de ses cinq ans. C’est sur ce livre précieux qu’elle avait réussi à déchiffrer ses premiers mots. Cela lui avait valu un profond ennui une fois entrée au CP : elle maîtrisait déjà la lecture lorsque ses camarades tentaient difficilement de déchiffrer quelques syllabes. C’est à cette période qu’elle avait commencé à réinventer sa vie.
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