Bonjour !
Aujourd’hui je vous partage un des articles que je m’étais promis de faire chaque mois dans mon dernier édito : l’article réflexion. Que ce soit à propos de mode (en majorité) mais aussi de lifestyle ou de tendances en général, j’aime cette idée d’explorer un thème de manière longue et argumentée, pour vous fournir un véritable article de qualité, avec toutes les infos et références nécessaires.
En octobre dernier, alors que je travaillais activement pour faire connaître mon association Pain Perdu, j’ai été contacté par les filles d’Hylla, penderie partagée vintage ayant tout juste terminée leur collecte de fond Ulule. Les filles avaient entendu parler de ma table ronde autour de la mode responsable en juillet dernier, et souhaitait savoir si la thématique allait bientôt être à nouveau abordée.
Ravie de découvrir leur site, je n’étais pourtant pas étonnée du concept de penderie partagée, que j’ai vu fleurir depuis un certains temps.
La mode à la demande, voilà vers quoi nous font tendre toutes ces nouvelles applis, boutiques ou sites qui nous promettent de changer de vêtement comme de chemise grâce à des abonnements mensuels illimités.
Alors que le salon de la mode Who’s Next avait lieu le mois dernier, cette évolution des modes de consommation de l’industrie fashion n’était pourtant pas à l’ordre du jour. Pourtant, il s’agit bien d’une tendance que l’on pourrait voir essaimer, et même bien se démocratiser. Petit défrichage et tour de la question.
Une décennie plus tôt…
Le principe de penderie partagée trouve son origine en Allemagne, où une boutique du nom de Kleiderei ouvre ses portes en 2012. Initiés par deux étudiantes fauchées à la recherche d’une solution alternative pour se vêtir à pas cher, le concept fait rapidement des émules et attirent de nombreux médias. Il trouve écho aux Pays-Bas, chez Lena Fashion Librairy en 2014, qui propose à l’instar de sa grande soeur allemande, un système de point permettant de louer tel ou tel vêtement à partir d’un abonnement mensuel. Appuyé par un documentaire d’Arte retraçant l’origine de ce sympathique concept, l’idée s’exporte également en France.
Une première française :
En 2014 ouvre rue Saintonge une étrange boutique, surnommée l’Habibliothèque. Comme son nom valise l’indique judicieusement, l’Habibliothèque fonctionne comme une bibliothèque, avec pour base un abonnement mensuel qui permet d’emprunter jusqu’à trois pièces par mois, de se les faire livrer, le tout pressing inclus. Intriguée, la presse de mode s’emballe et le buzz se crée.
« On souhaitait que le principe soit le même qu’en bibliothèque, on paye une fois par mois et après on ne débourse plus rien »
Raconte l’une des trois fondatrices Anahi Nguyen, lors d’un reportage.
L’Habibliothèque réussi rapidement sa campagne de crowdfunding et la boutique en ligne est lancée. Seulement voilà, partager ses vêtements avec les autres, et surtout accepter de ne pas posséder mais de louer est une pratique qui a du mal s’ancrer dans le fonctionnement des françaises.
« Les trois freins principaux sont d’abord l’hygiène des vêtements, par rapport à l’utilisation d’autrui. Ensuite le fait de ne pas posséder, et en troisième la peur d’abimer » explique Céline de la marque Hylla.
La mode, un domaine qui a du mal à s’intégrer à la sharing économy ?
« La mode est un métier très intense. » Reconnaît Francesca Bellettini, PDG de Saint Laurent « Certaines personnes ont tendance à tout vouloir de plus en plus vite. »
Pour le rappel, la sharing economy, ou économie collaborative, est un système économique reposant sur le prêt d’objets et la mise en place de bien commun, en opposition à la possession et à l’achat unipersonnel. Déjà très bien intégré par les français quand il s’agit de voiture (BlablaCar, Drivy) ou de la maison (Airbnb, échange de maison) elle commence même à émerger du côté de la nourriture, avec la mise en place de frigo partagé, ou encore des objets du quotidien, avec l’apparition de site permettant d’emprunter à son voisin des objets à la journée (Mutum, Allo Voisin).
Seulement voilà, même si le concept global semble s’installer comme une pratique alternative à l’achat systématique, la mise en place à l’échelle de la mode semble plus difficile à mettre en place.
L’idée perdure tout de même
L’Habibliothèque continue pourtant son bout de chemin. L’abonnement à 150€ par mois permet d’emprunter jusqu’à 3 pièces par mois permis toute la sélection de la boutique. Privilégiant les petites marques émergentes ainsi que les marques de prêt-à-porter premium, le concept vise principalement une cible plutôt aisée, habituée à dépenser plus de 100€ de shopping par mois. C’est également ce type de clientèle que vise les concepts concurrents apparu sur le marché. Panoply ou Le Closet s’adressent aussi à des parisiennes chics qui aiment beaucoup la mode et qui ont le budget qui va avec.
Seulement, 150€ minimum de budget fringues par mois n’est clairement pas à la portée de tous les porte-monnaies.
Quid des petites étudiantes fauchées de Kleiderei ?
C’est en partant de la volonté de rendre le concept accessible à tous qu’est née le principe d’Hylla, penderie partagée.
Fondée par Amandine et Céline, stagiaires dans la même entreprise en Allemagne, l’idée est venue à Céline après la rédaction de son mémoire sur la location de vêtement. Emballée par le principe, Amandine, en licence de management appliqué au développement durable, accepte de suivre Céline dans la création d’une start-up, et de retour en France, les deux acolytes travaillent sur le concept pendant près d’un an.
« Monter son entreprise en sortant directement des études est compliqué, même si de nombreuses aides existent maintenant » raconte Amandine, en précisant qu’elles étaient accompagnées pendant toute la création par le Pépite de l’université de Nanterre.
À peine l’idée germée, les filles prennent le pari de tester immédiatement le concept, et donne rendez-vous une fois par mois à leur communauté naissante pour échanger et valider l’idée.
« On à tout de suite voulu lancer le projet pour avoir nos premiers retours ».
Les retours sont immédiatement très positifs avec quelques bémols soulevés par certaines clientes, car le concept en lui même coince pour certaines. « Plusieurs filles trouvaient ça super mais avaient peur de faire des accrocs ou des tâches ».
Alors comment faire pour changer les mentalités ?
« Il est nécessaire de proposer une consommation alternative à la fast-fashion »
Explique Céline. En effet, la mode est l’une des industries les plus polluantes du monde, et représente 700 000 tonnes de déchet rien qu’en France. « Nous, on souhaite offrir une réponse éco-responsable en remettant en circulation des vêtements usagés, car c’est là que se trouve notre identité, proposer du vintage de qualité, coloré et unique », argumente Amandine.
En effet, à l’inverse de ses prédécesseurs français, Hylla ne propose pas les vêtements issues des dernières collections, mais une vaste sélection de vêtement vintage, chinés avec soin, au prix de 35€ par mois les trois pièces. « on ne compte pas remplacer le secteur de la fast-fashion, simplement proposer une alternative éco-responsable » conclut Amandine.
Voilà qui résume bien le propos de cet article. Et vous, prêt ou pas à sauter le pas du dressing à la commande ?
Pour plus d’information sur l’impact de la fast-fashion sur l’environnement, cette infographie en parle très bien. Vous pouvez également consulter mon article sur la mode responsable juste ici, vous informer sur l’actualité de la mode responsable en France juste ici, ou encore apprendre à réduire votre penderie au plus utile grâce à cet article.
Un grand merci à Amandine et Céline d’Hylla qui m’ont gentiment accueilli dans leurs bureaux et ont accepté de répondre à mes questions.
À bientôt pour un long article de fond, je vous embrasse.