Je vous présente ici un roman que j’ai adoré lire cet été, j’ai tenté de le lire le plus lentement possible pour le savourer au mieux. Je n’ai qu’un seul regret : l’avoir terminé ! C’est le roman que je conseille à tout le monde en ce moment, ainsi que l’incontournable Vérité sur l’affaire Harry Québert du même auteur.
Voici l’incipit pour vous plonger dans l’histoire et vous donner une idée du style de Joël Dicker (sobre, clair, maîtrisé) :
Je suis l’écrivain.
C’est ainsi que tout le monde m’appelle. Mes amis, mes parents, ma famille, et même ceux que je ne connais pas mais qui, eux, me reconnaissent dans un lieu public et me disent : « Vous ne seriez pas cet écrivain…? » je suis l’écrivain, c’est mon identité.
Les gens pensent qu’en tant qu’écrivain, votre vie est plutôt paisible. Récemment encore, un de mes amis, se plaignant de la durée de ses trajets quotidiens entre sa maison et son bureau, finit par me dire : « Au fond, toi, tu te lèves le matin, tu t’assieds à ton bureau et tu écris. C’est tout. » Je n’avais rien répondu, certainement trop abattu de réaliser combien, dans l’imaginaire collectif, mon travail consistait à ne rien faire. Les gens pensent que vous n’en fichez pas une, or c’est justement quand vous ne faites rien que vous travaillez le plus dur.
Ecrire un livre, c’est comme ouvrir une colonie de vacances. Votre vie, d’ordinaire solitaire et tranquille, est soudain chahutée par une multitude de personnages qui arrivent un jour sans crier gare et viennent chambouler votre existence. Ils arrivent un matin, à bord d’un grand bus dont ils descendent bruyamment, tout excités qu’ils sont du rôle qu’ils ont obtenu. Et vous devez faire avec, vous devez vous en occuper, vous devez les nourrir, vous devez les loger. Vous êtes responsable de tout. Parce que vous, vous êtes l’écrivain.
J’ai beaucoup aimé cette entrée en matière, une belle réflexion sur le métier d’écrivain et l’image qu’il renvoie aux yeux des autres.
Résumé
Cet écrivain, Marcus Goldman, vient d’une famille de la classe moyenne, habitant une petite maison à Montclair dans le New Jersey. Son oncle Saul a su fonder une famille prospère à qui tout sourit, vivant dans une luxueuse maison d’une banlieue riche de Baltimore. Marcus lui voue une admiration sans borne.
Mais un drame vient tout détruire, nous n’en apprenons la teneur que tardivement, le suspense est parfaitement tenu. Je n’avais qu’une envie : continuer à tourner les pages pour en savoir davantage, signe d’une écriture et d’une trame réussies.
Huit ans après le fameux Drame, Marcus revient sur la vie et le destin des Goldman de Baltimore et la fascination qu’il éprouva jadis pour cette famille de l’Amérique huppée, entre les vacances à Miami et les frasques dans les écoles privées.
Je vous recommande vivement ce roman qui vous plongera totalement dans cet univers attachant et mystérieux.
Voici un passage que j’avais aimé, sur la tentative désespérée d’une femme pour qui tout allait au mieux, qui sent que son mari lui échappe :
Elle veut lui plaire, et elle fait tout pour ça. Elle va à la gymnastique, elle changera garde-robe. Elle s’achète des nuisettes en dentelle et elle lui propose de jouer comme avant, de s’effeuiller devant lui. Il lui répond : « Pas ce soir, mais merci. »
Qui est-elle ? Une femme qui a vieilli.
Elle veut lui plaire, elle fait tout pour ça. Mais il ne la regarde plus.
Il redevient le Saul d’il y a trente ans : il danse, il chantonne, il est drôle.
Il redevient le Saul qu’elle a tellement aimé. Mais ce n’est plus elle qu’il aime »
Et enfin, à la toute fin, une belle leçon de vie énoncée par l’oncle qui a tout perdu :
Arrête avec le Drame, Marcus. Il n’y a pas un Drame mais des drames. Le drame de ta tante, de tes cousins. Le drame de la vie. Il y a eu des drames, il y en aura d’autres et il faudra continuer à vivre malgré tout. Les drames sont inévitables. Ils n’ont pas beaucoup d’importance, au fond. ce qui compte, c’est la façon dont on parvient à les surmonter. (…) Beaucoup d’entre nous cherchons à donner du sens à nos vies, mais nos vies n’ont de sens que si nous sommes capables d’accomplir ces trois destinées : aimer, être aimé et savoir pardonner. Le reste n’est que du temps perdu.