Librairie : Ta façon d’être au monde, Camille Anseaume

Camille Anseaume est typiquement celle que je souhaiterais avoir comme amie. J’avais déjà ressenti cela en lisant son premier roman, Un tout petit rien, puis en lisant son blog… Celle avec qui, justement, on voudrait partager un Café de filles. Mais peut-être la rencontrerai-je un jour par une amie commune ? Claire, à toi de jouer donc 😉 Ou Camille, si tu me lis, « you can call me at n’importe quelle heure of the night or of the nuit » comme dirait Elie Semoun (oui j’ai des références de haut niveau).

Je souhaiterais vous présenter aujourd’hui son nouveau roman : Ta façon d’être au monde, que je me suis empressée d’acheter après l’avoir découvert sur le blog de Violette, que je lis avec délectation depuis des années.camille-anseaume

Venons-en aux confidences : moi qui lis beaucoup, qui tente de donner le goût de la lecture (et de la langue française, tant qu’elle n’est pas encore trop endommagée) aux élèves, je déteste acheter des livres, et pire encore, je n’aime pas vraiment qu’on m’en offre. (Et là je sens la déception chez ceux qui m’en ont offert 😀 ) Mais quelques auteurs trouvent grâce à mes yeux et me donnent l’envie d’aller au plus vite dans une librairie : Frédéric Beigbeder, Patrick Modiano, Eric Fottorino, Michèle Lesbre, David Foenkinos, Christian Bobin, Nicolas Fargues

Désormais Camille Anseaume fait partie de ce cercle restreint et presque exclusivement masculin. Je n’ai qu’une hâte : qu’elle sorte un nouveau roman !

Comme à mon habitude (oui je n’ai pas été au rendez-vous librairie du vendredi depuis des mois, mais je m’y remets enfin) je commence par l’incipit, le prologue en l’occurrence :

  C’est l’heure du départ, la fin de l’été. Il faut rentrer. Dans la chambre je reste transie, incapable de bouger. C’est l’angoisse et les regrets qui me paralysent. Je comprends que je n’ai pas pris le temps de défaire mes valises, ni même de regarder à la fenêtre. Maintenant que je réalise qu’on y voit la mer, il est temps de m’y arracher. Le séjour est passé sans moi. J’étais là et je ne le savais pas. J’en conçois une tristesse et une culpabilité infinies, sans commune mesure avec les faits.

Tu connais ce rêve étrange que je t’ai souvent décrit. Il m’a hantée chaque nuit pendant des années. Et puis un jour je ne l’ai plus fait. Ce jour-là j’ai compris que l’été avait duré vingt-six ans.

Puis le premier chapitre s’ouvre ainsi :

  Quand elle naît, elle ne pleure pas. On lui met sa première fessée. Elle hurle. C’est de l’éducation inversée. On la pose, elle attend. On la nourrit, elle mange. On la repose, elle dort. On s’inquiète parce qu’elle dort depuis longtemps, on sursaute en la trouvant immobile, yeux ouverts. On la prend, elle sourit. On pense qu’il faut en profiter, de ce bébé si calme, que ça changera quand elle parviendra à se déplacer.

Je dois reconnaître que j’ai mis du temps avant de me retrouver dans les personnages, car les deux petites filles ne sont pas nommées. Il y a juste « elle » et « tu ». Je pensais que « elle » était la meilleure amie et « tu » la narratrice, j’ai mis des dizaines de pages à comprendre que c’était l’inverse.

Certes, je suis blonde 😉, je me suis demandé si j’avais un problème à ne pas comprendre de la sorte. Je pense que j’ai aussi été induite en erreur par le roman Un homme qui dort de Georges Perecle narrateur parle exclusivement à la deuxième personne du singulier.

Si je dois émettre un bémol, c’est sur ce point, car, dans cette perte de repères, j’ai eu du mal à savourer la première partie du roman qui décrit la naissance d’une belle amitié entre deux petites filles qui ne se quittent plus, l’une vivant presque par procuration la vie de l’autre, n’existant presque que par son regard. Puis vient le temps de l’adolescence et des premières amours, et le début de l’âge adulte. J’ai aimé ce passage sur les histoires d’amour désabusées de la narratrice, mais surtout sur la haine qu’elle se voue :

Au premier de leurs abandons, à la première manifestation de leur tendresse, elle les déteste. Elle s’aime si peu qu’elle refuse d’estimer quelqu’un qui la considère. Elle préfère ceux qui ne l’aiment pas ou en aiment une autre. D’abord parce que ne pas l’aimer est une preuve de leur intelligence. Aussi parce qu’elle se sent avec eux une affinité immédiate, comme s’ils étaient soudain du même bord : elle aussi préfèrerait fréquenter une autre peau que la sienne.

Le temps de l’attente est un temps suspendu. Elle y retrouve une douleur sourde, presque rassurante dans sa familiarité. Car attendre, c’est ce qu’elle a toujours fait. Sa vie entière est un temps suspendu. Alors elle attend.

Elle l’attend dans sa chambre, derrière son téléphone et, quand elle cherche dans le sommeil un peu d’apaisement, elle rêve même qu’elle l’attend. (…)

Quand il est là le temps se dérègle et la trotteuse s’emballe. L’homme demande un verre de vin ou un baiser tanné, elle le lui donne avec un peu de dépit, car chaque verre, chaque baiser les rapproche de la fin. Elle s’en veut de déjà y penser, et cette culpabilité supplémentaire absorbe le peu d’énergie qui lui reste pour profiter.

Puis vient le chapitre II, le basculement vers le drame :

Pas ce soir.

Tu me crois si je te dis que c’est à ça que j’ai pensé. Demain ou hier, mais pas ce soir.

Pas ce soir parce que j’ai passé l’aspirateur, vidé les poubelles, acheté pour l’évier de la cuisine le savon que j’aime bien. Parce que je me suis lavé les mains trois fois avec et que je refuse que l’amande douce sente désormais la mort.

Après la sidération vient le temps du rapprochement, des vaines tentatives de consolation. Mais le roman garde sa lumière, l’espoir et le goût de la vie perdurent.

Merci Camille Anseaume pour ce beau roman, qui donne envie de retrouver nos amis pour leur dire à quel point nous tenons à eux.

Voir aussi:

Coin lecture : Laurent Gounelle, Le jour où j'ai appris à vivreLe vendredi c'est librairie : Annabel, Kathleen WinterLe vendredi c'est librairie : Et je danse, aussi de A-L Bondoux et J-C Mourlevat

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