Bonjour !
Aujourd’hui je reviens avec un nouveau Clash Ciné autour de deux films que j’ai vu récemment : La loi du marché et Discount. Le principe de cet article qui revient de temps en temps sur le blog est de confronter deux films au sujet similaire sortis à peu de temps d’intervalle qui sont à mon sens intéressants à comparer. Les comparer pour déceler et extraire le plus intéressant de chaque mais surtout, comprendre pourquoi ce sujet est abordé deux fois en peu de temps et en quoi cette mise en lumière peut être révélatrice d’un certain problème ou phénomène de société. On y va ?
Clash Ciné #3 : le supermarché de la société
Les deux films que j’oppose ici sont français, se passent dans un supermarché et les deux exposent les problèmes moraux et sociaux auxquels sont confrontés les employés de ces grandes surfaces. Deux grandes surfaces et deux regards qui se font face, d’un côté les employés de Discount, de l’autre les vigiles de La Loi du marché. Deux types de salariés qui travaillent pour la même boîte mais qui luttent contre plutôt qu’ensemble. Parce que le chômage et la dure réalité de l’emploi sont des préoccupations plus qu’importantes de la vie de tous les jours, le cinéma a aussi sa part à jouer en choisissant la fiction plutôt que le documentaire, pour montrer que tous n’est pas perdu et que l’humain reste au dessus chez l’un ou au contraire pour fixer la réalité crue et sans artifice de la lutte pour l’emploi chez l’autre. Alors, lequel est le plus intéressant ? C’est ce que nous allons voir !
Round 1 : le plus réaliste
Dans Discount, une bande d’employés d’un petit supermarché discount du Nord décide de monter son propre supermarché local et auto-géré en détournant les produits invendus, sous le nez de la direction et des vigiles qui les scrutent de près. Chez La loi du Marché, on suit les pérégrinations de Thierry, cinquantenaire victime d’un licenciement économique qui peine à retrouver du travail et qui ne se fait guère aider par les institutions compétentes. Il finit par accepter un poste de vigile dans un supermarché et forcé d’espionner ses collègues pour traquer les fautes professionnelles. Le premier et une comédie et l’autre ne l’est pas et c’est cela qui fait pencher la balance du côté de La loi du Marché. Se tenant au fait et décrivant la réalité de la manière la plus crue et détachée possible, le scénario de La loi du Marché reflète toutes ses petites choses auquel chaque chômeur, chaque personne en situation précaire est confronté, mais que personne ne veut évoquer car ces situations sont devenues d’une banalité inintéressante. Et pourtant La loi du Marché nous en parle, et c’est par son manque total de romanesque que l’on sait ce film extrêmement bien documenté.
Round 2 : le plus engagé
Difficile de débattre ce critère autour de ces deux films à l’engagement réel et pourtant bien différent. Chez Discount qui est d’ailleurs tiré de faits réels, le réseau mis en place par les employés est le résultat à l’écran comme à la ville d’un ras-le bol général, d’un besoin de considération, d’un appel à tous les petits pour détourner le système monarchique des gros. Avec Discount on sourit, on rigole mais on est aussi révolté et ça fait du bien, de voir que quand tout va mal la solidarité et le geste humain prennent le dessus pour essayer de s’en sortir ensemble plutôt que de couler seul. Dans La loi du Marché, c’est un autre engagement qui ressort, celui de documenter, de montrer, d’expliquer ce qu’est la loi du marché aujourd’hui, et qui sont ces personnes de la classe populaire que le système s’obstine à enfoncer. L’un est plus énergique, plus positif et donne envie de se bouger, l’autre est plus sombre, plus percutant aussi mais donne tout autant envie de se révolter.
Round 3 : le plus humain
Ici pas de tergiversions car c’est pour moi incontestablement Discount qui gagne. Oui il y a des personnages bien identifiés, des rebondissements, une histoire d’amour, oui le tout est bien scénarisé, bien tourné à la sauce cinéma, n’empêche, c’est ce qu’on attend d’un film ! Pouvoir s’attacher aux personnages comme on le fait dans Discount est sans doute ce qui le fait gagner haut la main du côté humain. Dans La loi du Marché, le personnage de Thierry, le vigile, est filmé d’une manière tellement froide, tellement réaliste, dans ses moments de vie les plus simples que le personnage en est presque déshumanisé, froid à l’écran, inintéressant. Et pourtant il est si réel qu’il est injuste de le trouver banal, car il représente très précisément ce français moyen qui nous est tout sauf étranger. Peut-être est-ce là le malaise du film, vouloir à tout prix être le plus juste possible dans l’interprétation du personnage, quitte à oublier sa qualité cinématographique. Ou peut-être est-ce sa force majeure, l’enjeu est là.
Verdict : j’ai personnellement préféré Discount pour son côté positif et humain, pour la simplicité et la justesse de ses personnages et pour le réel élan solidaire qu’il fait naître et qu’il met en lumière. Néanmoins, même s’il est moins facile à voir, La loi du Marché reste un film extrêmement intéressant à regarder pour se rendre bien compte d’une réalité qui nous échappe souvent et que l’on tend à camoufler derrière nos propres quotidiens et problèmes, parce que le personnage de Thierry est froid et peu attachant mais qu’il a réellement du mal à espionner ses collègues et à les mettre en porte-à-faux, mais que la réalité, la loi du marché l’y oblige. Pour que l’humain passe toujours avant l’argent, pour que la résistance et la solidarité puissent être véhiculés comme valeurs de la réalité et non comme utopies, ces deux films doivent être regardés, et vous donner envie de vous engager.