Voici un nouvel article rédigé par Fanny. Elle me donne envie de me plonger ce roman que je n’ai pas encore lu :
La couleur de l’aube, Yanick Lahens
Le titre m’a tout de suite attirée et les premières lignes ont eu raison de moi. La justesse de la langue est un vrai plaisir pour n’importe quel amateur de littérature et Yanick Lahens a vraiment l’art de manier les mots. Certains passages sonnent comme de purs moments de poésie en prose et je les ai relus plusieurs fois pour mieux les savourer. L’histoire se passe en Haïti : hier, Fignolé n’est pas rentré. Fignolé c’est le jeune frère d’Angélique et Joyeuse. Deux soeurs très différentes, deux choix de vie, deux façons d’affronter la difficulté et la douleur. Chacune leur tour, le temps d’une journée à la recherche de leur frère, elles prennent la parole. Cette construction s’articule autour de leur mère, pivot central et silencieux de ce foyer tourmenté. Ce roman est une vraie gourmandise littéraire, mais aussi un questionnement plus large sur l’engagement, les choix, les objectifs que l’on poursuit et également pour ma part une découverte d’Haïti. Il m’avait été recommandé au salon du livre et je ne regrette pas d’avoir écouté ce conseil de lecture. Ecouterez-vous le mien ?Il est tout juste quatre heures trente… Ce moment entre ombre et lumière est celui que je préfère. Celui où je peux penser en toute liberté à ceux qui occupent cette maison. A tous ceux que je ne sais où trouver ou qui sont trop loin. L’heure de mes rancoeurs accumulées, l’heure de mes haines aux cent raisons, de mes attentes en cortège, de mes privations à faire pleurer de rage. Rancoeurs, haines, privations, je les accueillerai bientôt toutes. Sans distinction aucune. Comme des commères bavardes. Je porte au-dedans de moi tant d’autres femmes, des étrangères qui empruntent mes pas, habitent mon ombre, s’agitent sous ma peau. Pas une ne manquera à l’appel d’une jeune femme de trente ans que le temps a usé sur toute sa surface. D’une jeune femme foudroyée il y a quelques années déjà et qui feint de continuer de vivre comme s’il ne s’était rien passé.