Serge Thoraval a fait ses armes en travaillant à l’élaboration de pièces destinées aux défilés des collections de Claude Montana, Thierry Mugler de 1990 à 1993 qu’il a rencontrés grâce à sa femme et mère de son fils. En parallèle, il peaufine ses propres pièces qui retiennent l’attention des stylistes qui les lui empruntent pour des shooting. C’est en 1994 que Serge Thoraval lance sa marque de bijoux éponyme. L’année 1999 est marquée par le décès de l’artiste autodidacte. Sa femme, Geneviève Chevillot, décide de fonder l’atelier Serge Thoraval et réussit avec les artisans qui les entouraient à poursuivre la réédition de la collection appelée ‘Classique’. L’esprit de Serge Thoraval est respecté et de nouvelles pièces sont apparues tout au long des saisons faisant perdurer l’âme de la maison française et de son créateur. En 2014, Rock Thoraval, fils et digne héritier du créateur Serge Thoraval, reprend la direction de la marque avec tout le respect qu’il porte au travail de son père.
Nous avons pu rencontrer Rock, son fils. Héritier d’un savoir-faire, d’un talent, d’une signature, il parle avec transparence et nous livre un témoignage touchant sur sa vie et son parcours. Il explique ses inspirations pour la nouvelle collection et nous emmène dans son univers. On a envie de le suivre… Tu viens ?
John Noa: Bonjour Rock, ça va ? Tu faisais quoi ?
Rock Thoraval: J’étais en train de dessiner. Je dessine en permanence ! J’ai besoin de mettre mes idées sur papier le plus vite possible, sinon ça tourne dans ma tête non-stop et ça me rend fou…
J.N: On est fan de ton prénom ! C’est une idée de ton père ?
R.T: Merci ! Oui, c’est une idée de mes parents. Ils cherchaient quelque chose de fort mais ne trouvaient rien qui leur plaisait. Ils côtoyaient beaucoup de musiciens à l’époque, et lors d’une discussion au sujet d’une de leurs amies qui avait appelé sa fille Calypso, ça leur est apparu comme une évidence… voilà pour la petite l’histoire.
J.N: Venons à ton père. Parle nous de Serge Thoraval. On connait son amour, sa passion pour le bijou. Il avait un réel talent…
R.T: Je crois que je ne m’en rendais pas forcément compte à l’époque. J’étais assez jeune lorsqu’il nous a quitté. Pour moi, c’était quelque chose de normal d’avoir des dinosaures découpés dans le métal pour jouer à la maison ou de le voir fabriquer un loup grandeur nature avec du vieux grillages. C’est seulement en vieillissant que j’en ai pris la pleine mesure, encore que je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Il m’arrive encore d’être surpris lorsqu’au hasard d’une fouille dans les vieux cartons de l’Atelier, je tombe sur une ébauche ou sur une maquette jamais éditée, d’une technicité folle, jamais académique, mais toujours touchante.
J.N: D’ailleurs pourquoi a-t-il choisi de travailler les bijoux ?
R.T: Par un concours de circonstance ! Il s’est retrouvé à souder des pièces pour des collections de grands créateurs. Je pense que ce qui l’a attiré, tout comme moi, c’est de pouvoir réaliser absolument tout ce qu’il voulait, de voir la matière se plier à sa volonté, de pouvoir assouvir sa créativité dans toutes ses formes. Car ce qu’il y a de génial dans la bijouterie, c’est que l’on peut tout faire. Avec du temps et de l’imagination, tout est possible!
J.N: Aujourd’hui, c’est toi qui est à la tête de l’atelier. Est-ce que tu vas t’aventurer dans la création de nouveaux modèles ?
R.T: On va bien sûr continuer à éditer les modèles classiques, dont personne ne se lasse, mais on a également présenté une toute nouvelle collection d’une quinzaine de pièces lors du salon Première Classe pendant la première Fashion Week parisienne. Et on a eu de très bons retours jusque là ! Ce qui me touche tout particulièrement, vue l’angoisse que ça a suscité chez moi ! L’inspiration est venue d’un lien que j’ai découvert, entre une série de tableau de Renoir, et la nouvelle « Une Partie de Campagne » de Maupassant. J’ai essayé d’imaginer ce que porteraient ces personnages si on les transposait d’un seul coup dans le présent. La collection arrive en ce moment en boutique et on espère sincèrement que les gens suivront, pour celle-ci comme pour les suivantes.
J.N: Parlons de la fabrication…
R.T: Déjà, on est Made In France à 100%, de nos fournisseurs à la production finale. C’est extrêmement important pour nous d’être représentatifs d’un savoir-faire, d’une industrie, d’un artisanat. On est basé à Paris dans le Xème arrondissement, sur les bords du Canal Saint-Martin, qui était loin d’être un quartier aussi demandé à l’époque. Ce qui a fait qu’on a pu investir assez facilement ce loft de 300 m2. C’est mon père qui y a posé des parois en verre et en acier sombre pour en définir les contours, ce qui lui donne un charme unique ! On travaille exclusivement avec de l’argent issu du recyclage de produits argentiques (pellicules de photos, etc…). On a donc choisi une production locale, artisanale et responsable. Mais l’Atelier, c’est surtout des hommes et des femmes qui bossent dur, et qui sont eux-aussi héritiers de ce savoir-faire, à qui nous sommes fidèles. D’ailleurs, le plus « jeune » de nos collaborateurs au sein de l’Atelier est là depuis près de dix ans. Et surtout, sans ma mère qui s’occupe de tout depuis plus de 15 ans, rien de tout ça n’aurait été possible !
J.N: Peux-tu nous en dire un peu plus sur la nouvelle collection ?
R.T: J’avais envie de faire une collection très près du corps, très organique et intégrée, qu’on ressente vraiment le bijou comme une seconde peau, et qu’il ne soit jamais une gêne. Mais également avec un message d’amour, d’espoir, comme on en a plus que jamais besoin, je pense. J’ai envie qu’on se sente fort en les portant, qu’on ait envie d’aimer, de rire, qu’on ait confiance en soi. Ce qui est paradoxal car c’est loin d’être mon cas !
Pour mieux te connaitre…
JN: Si on veut te croiser à Paris, il faut être…
RT: Dans le IIIème arrondissement de Paris ! J’y ai grandi à une époque où c’était beaucoup moins branché, un peu plus crade, et je le connais comme ma poche.
JN: Le matin, tu es…
RT: Impossible à tirer du lit ! Je suis un véritable oiseau de nuit, c’est le moment où je me sens le plus à l’aise et inspiré pour travailler.
JN: Tu aurais aimé passer une nuit à discuter avec…
RT: Mon père. Mais une nuit ne suffirait pas.
Parce qu’on veut tes conseils…
Quel bijou pour
Aller au bureau ?
Un bracelet ouvert très fin, une fantaisie discrète, juste posée sur sa montre.
Rendre Madame jalouse ?
Lui piquer sa manchette Genèse et lui montrer qu’elle nous va mieux qu’à elle !
Faire le beau la nuit ?
Un collier ‘Plaque Toujours’ qu’on aime apercevoir lorsque, passés quelques verres, la chemise s’entrouvre. Et une bague ‘Plaque l’Amour’ au doigt qu’on ne manquera pas de remarquer.
Merci Rock !