« JE N’AI QU’UN SEUL REGRET, CELUI DE NE PAS AVOIR INVENTÉ LE JEAN. LE JEAN EST EXPRESSIF, DISCRET ET MÊLE SEX APPEAL ET SIMPLICITÉ – TOUT CE DONT JE RÊVE POUR MES CRÉATIONS. »
YVES ST. LAURENT
Dans les années 1930, Hollywood glorifie le charme du Far West, lançant ainsi la carrière de plusieurs stars de cinéma au style tout en virilité, telles que Gary Cooper, Douglas Fairbanks ou encore John Wayne, et faisant naître une fascination internationale pour tout ce qui touche au Western, fascination qui subsiste encore aujourd’hui.
Peu de gens savent que l’engouement pour les Westerns dans les années 1930 a également inspiré à Levi’s® le premier jean pour femmes en 1935. Durant cette décennie, Coco Chanel joue avec les codes masculins, et la plus grande créatrice de mode américaine, Claire McCardell, la pionnière du sportswear américain, est en quête du juste équilibre entre style et confort : un concept révolutionnaire pour l’époque.
Il y a 70 ans, dans l’un de ses articles, le magazine Vogue définit le nouveau jean Levi’s® pour femmes comme le vêtement incontournable par excellence. C’est ainsi que le jean, vêtement masculin et fonctionnel s’il en est, s’érige en tendance féminine en constante évolution, qui révolutionnera à jamais la garde-robe féminine.
Le premier jean que Levi Strauss & Co. crée, en 1873, est destiné aux ouvriers. Il est alors de notoriété publique que les jeunes femmes portent des salopettes. Certaines d’entre elles travaillant dans les ranches à l’ouest des États-Unis vont même jusqu’à porter les® « waist overalls » (ancien nom du jean, désignant des pantalons de travail à bretelles) des hommes car ils conviennent parfaitement à la rudesse de leur mode de vie.
Cependant, en 1918, l’entreprise décide de produire des vêtements destinés aux femmes, constatant sans doute que leur rôle au sein de la société est en train d’évoluer, particulièrement dans l’ouest américain. Cette année-là, LS&CO crée les « Freedom-Alls », un vêtement une-pièce pour femmes destiné « au travail comme aux loisirs ». Ce nom est d’ailleurs très révélateur ; le terme « Freedom » (liberté) fait certainement référence à la participation des États-Unis à la Première guerre mondiale l’année précédente. À l’époque, nombreux sont les articles à usage personnel ou domestique à porter des noms patriotiques similaires. Ce terme fait également référence à la liberté de mouvement que ce vêtement procure à celles qui le portent.
La publicité pour ce produit montre d’ailleurs des femmes s’adonnant à des travaux domestiques (activité traditionnelle) mais aussi à des activités physiques, comme la marche (activité bien moins traditionnelle). Une Californienne va même jusqu’à porter une paire de Freedom-Alls lors de son mariage avec un éleveur de moutons, avant de partir avec lui à cheval de ranch en ranch au sud de la Californie pour leur lune de miel, tout au long de laquelle elle portera des Freedom-Alls. Avec son approche pionnière emblématique, la marque Levi’s® a considéré très tôt les femmes comme des clientes potentielles et crée ainsi des vêtements qui les ont libérées plutôt qu’entravées (en opposition aux autres vêtements de l’époque).
LS&CO dépose le brevet des Freedom-Alls, qui, même s’ils remportent un franc succès auprès des suffragettes, se révèlent sans doute trop progressistes pour l’époque et disparaissent des catalogues et des listes de prix vers 1919. Les archives historiques de LS&CO. à San Francisco en possèdent un exemplaire en denim léger (également décliné en toile kaki).
En 1922, un nouveau modèle vient compléter la gamme LS&CO. pour femmes : les pantalons de marche ou « togs », des pantalons larges conçus pour être portés avec des bottes, dont la coupe arrive à mi-genou et et fermés par une boucle. Un haut et un chapeau au style simple (également vendus par LS&CO.) complètent l’ensemble. Ce modèle a été spécialement conçu pour les femmes d’extérieur et prouve une fois encore que la marque Levi’s® souhaite que ses clients puissent exprimer leur personnalité à travers leurs vêtements.
En 1935, de plus en plus de femmes portent le jean® Levi’s® de leurs maris, fils ou frères. La marque comprend alors que les femmes veulent porter des jeans tout en restant à la mode, et crée alors les jeans « Lady Levi’s »®, des jeans à la coupe classique pour femmes à braguette boutonnée (pourtant toujours appelés « overalls ») en denim plus léger et à la coupe adaptée à la silhouette féminine. Ces modèles réservés aux femmes sont reconnaissables à leur lisière rose et non rouge comme celle des modèles masculins.
Cela constitue une telle révolution que le magazine Vogue publie, le 15 mai 1935, une illustration de deux femmes à l’allure très tendance portant des jeans Levi’s® pour femmes dans son édition Summer Travel.
Dès leur lancement, les jeans Lady Levi’s® sont distribués dans les magasins haut de gamme : Kauffman Saddlery Co. à Manhattan, le magasin le plus prestigieux des New-yorkais mondains et férus d’équitation, fait partie de leurs premiers points de vente.
Il est intéressant de constater qu’ils sont également vendus dans les boutiques des « divorce ranches ». Dans les années 1930, la loi du divorce du Nevada est la plus souple de tous les États-Unis, c’est la raison pour laquelle des ranches spéciaux sont créés pour que les femmes puissent s’installer à Reno, au Nevada pour quelques semaines et divorcer en un rien de temps. Les archives Levi Strauss & Co. possèdent plusieurs exemplaires de Lady Levi’s® dans leur collection, dont l’un d’eux a été porté par une femme nommée Harriet Atwood au ranch Soda Springs Dude de Rimrock, en Arizona, dans les années 1930.
Durant les années 1940 – au moment de la Seconde guerre mondiale – les jeans Lady Levi’s® ainsi que quelques chemises d’inspiration western sont les seuls vêtements pour femmes disponibles sur le marché. Durant la guerre, la production de tous les vêtements diminue significativement, mais reprend dès la fin de la décennie, où ils remportent un franc succès. Dans les années 1950, LS&CO. crée une sélection de nouveaux produits destinée à l’ensemble de la famille. Ces nouvelles lignes, baptisées notamment « Denim Family », « Casuals » et « Lighter Blues », comportent de nombreux modèles destinés à la gent féminine, en particulier la ligne « Casuals ». Les archives possèdent d’ailleurs un catalogue datant de 1955 présentant un large éventail de modèles féminins, pour enfants et adultes. Les jeans Levi’s® fabriqués durant cette décennie sont dotés d’une braguette zippée et non boutonnée, comme les modèles de 1935. D’après les historiens, changement est dû au développement de l’entreprise qui commence à distribuer ses produits à l’est des Etats Unis (New York et Nouvelle Angleterre) et plus seulement à l’ouest. Les habitants de la côte est n’étant pas habituer à ce que les femmes arborent des vêtement fonctionnels et la braguette boutonnée n’étant pas digne "d’une jeune fille bien élevée", la fermeture à zip est alors privilégiée. Le jean gagne ainsi en popularité et séduit un public plus large.
Dans les années 1960, LS&CO. privilégie l’adolescente à la femme comme consommateur cible et ajoute à ses collections des créations comme les jeans stretch, les pattes d’éléphant ou encore les pantalons évasés à imprimés liberty au début des années 1970. À cette époque, même les maillots de bain et les dos nus sont fabriqués en denim, et certaines jeunes filles vont jusqu’à découdre leurs pattes d’éléphant pour les transformer en jupes longues. Dans les années 1970, LS&CO. fabrique et commercialise ses créations en Europe et en Asie en plus des États- Unis et sa stratégie de consommation cible plus que jamais l’adolescent au-delà des côtes américaines. Aux États-Unis comme aux quatre coins du monde, les posters de l’époque montrent des jeunes en chemises et jeans colorés.
De la fin des années 1970 au début des années 1980, des pantalons, jupes et blazers en polyester, plus adaptés au monde du travail, viennent compléter la gamme Levi’s. La popularité des jeans (toutes matières et coupes confondues), quant à elle, ne décroît toujours pas. Certaines des jeunes filles de l’époque portent toujours le jean de leur frère, comme leurs grands- mères 50 ans plus tôt, mais la plupart d’entre elles trouvent maintenant leur bonheur parmi les nombreuses lignes de LS&CO. En 1981, LS&CO. présente les premiers jeans ®Levi’s® 501 conçus spécialement pour les femmes avec un spot TV destinée au marché américain inspiré d’une scène du film "Géant".
En 2000, le monde du jean connaît une véritable révolution avec les jeans à coutures tournantes Levi’s® Engineered. Toutes les jeunes Européennes adoptent ce nouveau street style. En 2005, même si les Milanaises affirment que l’allure tendance de ces jeans est plus importante pour elles que leur liberté de mouvement fonctionnelle – les Levi’s® Engineered deviennent les modèles les plus populaires en Italie et en Espagne.