La mode royale du XVIIème siècle à travers la Marquise de Maintenon de Pierre Mignard

Apres avoir fait un petit détour par la mode du XIXème, je vous propose une analyse de la mode du XVIIème grâce à ce tableau du peintre royal Pierre Mignard pour comprendre certaines coutumes et pratiques vestimentaires de l’époque.

Madame de Maintenon et mode du XVIIeme siecle

Mise en scène technique et picturale

Ce tableau a été peint vers 1694 par Pierre Mignard. Il représente Madame de Maintenon, née Françoise d’Aubigné. Pierre Mignard était un spécialiste du portrait et des grandes compositions décoratives. Ces portraits étaient très prisés par les dames de la cour : Madame de Montespan, Mademoiselle de La Vallière, Mademoiselle de Montpensier… Madame de Maintenon a-t-elle aussi souhaité se faire représenter par le peintre. La Marquise de Maintenon était la gouvernante des enfants naturels de Louis XIV avant de devenir son épouse cachée suite au décès de la reine en 1683. Ceci explique pourquoi elle est représentée comme une femme de la Cour grâce à sa robe somptueuse et à son manteau en velours doublé d’hermine. Elle est aussi représentée en Sainte Françoise Romaine, une sainte qui a été au service des pauvres toute sa vie. Quoique mariée elle a vécu en religieuse comme si elle avait fait les trois vœux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Symbole de la mère parfaite pour ses enfants et pour les pauvres, elle se retira dans une congrégation seulement lors de son veuvage. Ainsi, Madame de Maintenon, en tant que gouvernante des enfants de Louis XIV, est aussi représentée, à travers son image de sainte, comme une « mère de substitution » parfaite. Le fait d’être mariée à Louis XIV en secret lui apporte la haine, la jalousie de la cour royale : la représenter en sainte lui apporte un crédit religieux et sérieuxet fait oublier son passé d’intrigante et de maîtresse du Roi, rivale heureuse de la Montespan et de La Vallière.

Madame de Maintenon et mode du XVIIeme siecle

Vocabulaire du luxe : mise en scène de la femme

La Marquise de Maintenon représente les deux attributs de la royauté : la richesse, grâce à ses vêtements somptueux et ses bijoux et la divinité avec sa représentation en sainte. Le roi, dont elle est l’épouse cachée, a été choisi par Dieu pour régner sur la terre. Ainsi, Madame de Maintenon incarne la sainteté grâce au livre qu’elle tient entrouvert dans sa main gauche. On devine qu’il s’agit de La Bible. L’aspect divin est complété grâce au voile qu’elle porte sur ses cheveux et à la corde qui lui sert de ceinture et rappelle la tenue simple des religieux. La doublure d’hermine sur le manteau du modèle contraste avec cette austérité sainte, elle rappelle le côté royal de la femme choisie par le roi Louis XIV pour être son épouse après le décès de la reine. L’aspect royal est aussi illustré à travers la robe sertie de bijoux précieux au niveau des poignets et du décolleté, la robe semble aussi être brodée en fil d’or. Le manteau en velours bleu marine, doublé d’hermine, est le symbole de la royauté et donne de la prestance et une assise à Madame de Maintenon qui lui permet de s’intégrer dans une cour royale qui la critique fortement car elle est passée du statut de gouvernante des enfants du roi au statut d’épouse. Les couleurs dominantes du tableau font écho à ce que représente la Marquise, l’or illustre sa position royale à la cour d’épouse du Roi, le bleu sombre représente  l’aspect royal mais aussi la méditation et le repos car c’est une couleur froide. L’aspect divin est donc représenté à travers la couleur bleue, la Marquise incite à la méditation et au calme divins. L’hermine blanche est le symbole par excellence de la royauté à l’époque et la couleur ocre adoucit le portrait et apporte un aspect intimiste et chaud au portrait qui rassure et fait écho à l’aspect de sainteté de la femme.

Madame de Maintenon et mode du XVIIeme siecle

Une femme, un regard, un spectateur

Madame de Maintenon regarde le spectateur indirectement, son visage semble exprimer de la bonté et de la bienveillance, tout comme pourrait le peindre le visage d’une sainte. Cependant, elle demeure une personne royale qui place une distance avec son interlocuteur. Sa représentation en habits royaux et son maintien au niveau de l’expressivité corporelle manifeste son rang social élevé. Sa main posée sur la poitrine fait écho à la promesse de fidélité faite à Dieu –en tant que sainte- ou au roi –en tant qu’épouse. Le sourire esquissé de la Marquise apporte un peu de fantaisie à la représentation sérieuse de la femme qui apparaît tout de même comme une femme intouchable : sainte ou épouse royale, elle demeure au-dessus de tout le monde et son portrait nous le rappelle clairement.