Aujourd’hui, je reviens vers mes analyses de la communication de la mode et du luxe. J’avais déjà ébauché ce sujet en étudiant la communication publicitaire de la marque Chanel et de la marque Céline. Aujourd’hui je me penche sur un des tableaux qui représentent la royauté pour comprendre comment les grandes dames étaient représentées à l’époque. Il s’agit du portrait de Mademoiselle de La Vallière par Claude Lefebvre.
Vocabulaire du luxe : mise en scène de la femme
Mademoiselle de La Vallière est représentée comme la déesse de la nature tout en restant ancrée dans son époque. Sa tenue en robe de cour avec le corset et la jupe souligne que nous nous trouvons bien dans une représentation d’une femme de la cour de Louis XIV. La couleur vieux rose de sa robe apporte de la douceur et de la féminité à la femme. Elle représente l’élégance dans le milieu hostile de la nature représentée à l’arrière-plan. Le rose rassemble la sagesse divine –le rouge- et l’amour –le blanc-, c’est aussi une couleur associée à Vénus, elle est donc symbole de tendresse et de jeunesse. La couleur de la tenue de Mademoiselle de La Vallière est une métonymie de la personnalité de la duchesse : amoureuse de Louis XIV et déesse de la nature. Les manches bouffantes et la jupe large accentuent le mouvement esquissé dans les gestes des bras et du buste de la femme. Elle semble « aller de l’avant », ce mouvement apparaît très gracieux, elle semble s’envoler. Il est exprimé par la voilette placée sur la coiffure de la femme qui vole légèrement dans les airs. La coiffure aux boucles anglaises souligne aussi cet aspect naturel : la couleur des cheveux -marron clair- fait écho à la couleur dominante du tableau et à la représentation de la nature dans le tableau. Le corps apparaît alors très léger et très élégant, une élégance qu’incarne la demoiselle grâce aux attributs qu’elle porte aussi. L’arc représenté est très fin et rappelle la finesse du corps du lévrier. Le chien regarde Mademoiselle de La Vallière comme sa protectrice, son regard permet aussi de focaliser le regard du spectateur sur le modèle : c’est lui le point central du tableau, c’est lui qu’il faut admirer. Ce tableau met donc en lumière des formes très aériennes et gracieuses, autant d’adjectifs qui pourraient nous servir à décrire la femme.
Une femme, un regard, un spectateur
Mademoiselle de La Vallière apparaît impassible, son maintien corporel et sentimental est à noter. Son visage n’exprime aucun sentiment, elle semble dénuée d’humanité, presque figée comme une statue antique qu’on aurait revêtue des vêtements de l’époque de Louis XIV. Sa posture de ¾ ne favorise aucune confrontation, son visage suit la diagonale formée par le corps qui forme un mouvement et apporte de la vie au tableau. La femme semble esquisser une danse, ce qui ajoute à l’aspect aérien du portrait. Le spectateur serait-il inviter à entrer dans sa danse ? Les yeux de Mademoiselle de La Vallière semble l’en dissuader… En effet, ses yeux n’expriment aucune sympathie et manifestent plutôt une domination, une auto- suffisance. Ce portrait se raconte de lui-même sans se soucier du point de vue de quelques personnes extérieures.Il permet de voir que la femme des tableaux aristocratiques maintient une distance avec celui qui la regarde. N’oublions pas que le mot « madame » vient littéralement de la forme médiévale « ma Dame », « ma Demoiselle ». Ces termes ne sont pas des termes de civilité comme c’est le cas aujourd’hui. Ils ont valeur courtoise et marquent le « service » du seigneur auquel est obligé le vassal. Au contraire la femme du luxe publicitaire nous montre le chemin du plaisir trouble de la transgression : elle nous « séduit » : on la « désire ». Grâce à ce portrait nous devinons les signes qui signifient le luxe : tissus, matières, couleurs, accessoires. Ceux-ci vont être réemployés au service de nouveaux signifiés plus commerciaux et sociologiques dans les publicités contemporaines -pouvoir de l’argent, volonté d’affichage, illusion de donner à désirer l’inaccessible qui est le ressort même d’une société de consommation : il faut consommer, donc désirer. Mais cette société de consommation est aussi une société capitaliste : les rêves financiers sont aux mains de ceux qui peuvent spéculer, une classe sociale privilégiée.